Depuis plusieurs mois, Éric Schirmacher, directeur adjoint de Villes des Musiques du Monde, et Elsa Kartouby, directrice artistique des Poussières, unissent leurs forces pour orchestrer la grande parade festive de la biennale Multitude. Portrait croisé de ces deux associations albertivillariennes qui ont en commun d’avoir placé l’ouverture et l’altérité au cœur de leur projet.

Rassembler des centaines de personnes dans un projet collectif et multidisciplinaire ne s’improvise pas. Et encore moins quand il s’agit de rendre ces personnes actrices du projet, de mettre à leur disposition les moyens de le réaliser et de valoriser leur singularité tout en constituant un collectif. C’est pourtant le défi que relèvent Villes des Musiques du Monde et Les Poussières d’Aubervilliers, pour organiser la grande parade de Multitude comme dans leurs missions quotidiennes.

Association Villes des Musiques du Monde - Festival Multitude _ Parade

Parade du Tout-Monde lors de la première biennale Multitude © Hervé Lequeux pour l’Association Villes des Musiques du Monde

Créées en 1997 pour Villes des Musiques du Monde et en 2006 pour Les Poussières, ces structures parviennent en effet chaque année à impliquer dans leurs actions des centaines d’habitant∙es de Seine-Saint-Denis. La première en mettant à l’honneur les musiques du monde et d’ici à travers un festival d’envergure, des aides à la création, des projets d’éducation musicale et l’espace de concerts et spectacles Le Point Fort d’Aubervilliers. La seconde en animant un lieu artistique et d’échanges, comprenant des résidences, une salle de spectacle, des dizaines d’ateliers.

« Faire un tout en étant multiple »

Si elles ont réussi aussi à s’ancrer dans un territoire-monde comme l’est la Seine-Saint-Denis, c’est parce qu’elles partagent une conviction profonde : les différences ne divisent pas, elles enrichissent ; la diversité n’est pas un obstacle à la construction de liens, mais au contraire un puissant levier.

« L’interculturalité, explique Elsa Kartouby, directrice artistique des Poussières, c’est faire un tout en étant multiple, réussir à inviter toutes les communautés et en faire une œuvre collective. »

Un projet récent illustre particulièrement cette vision : Mi-figue mi-chou. En 2022 et 2023, l’association a enquêté sur les patrimoines culturels de la ville, récoltant les goûts, les envies et les recettes des habitant∙es, pour élaborer une spécialité représentative d’Aubervilliers : l’Auberdwich, un savoureux sandwich aux saveurs aussi diverses que la population de la ville.

Projet Mi-figue mi-chou (c) Romain Fonsanou

Photographie de Romain Fonsanou d’un stand de préparation du sandwich l’Auberdwich, conçu avec les habitant.es dans le cadre du projet Mi-figue mi-chou.

La diversité du territoire est aussi précisément ce qui est à l’origine de la création de Villes des Musiques du Monde. L’association a même développé depuis la notion de « Musiques d’ICI » : celles jouées par des artistes issu∙es des multiples diasporas, qui se rencontrent et qui, au contact les un∙es des autres, réinventent les sons, mélodies et orchestrations.

« En musique, insiste Éric Schirmacher, directeur adjoint de Villes des Musiques du Monde, la fusion est partout. Elles se nourrissent des apports et additions culturels. Les communautés roms par exemple ont fait des emprunts dans chaque pays traversé pour composer leur propre sauce et y ont aussi laissé un bout de leur musique. »

La culture comme outil d’épanouissement

De cette conviction découle une approche de la culture non élitiste mais au contraire ouverte, participative, inclusive. Ces deux associations ne se contentent pas de créer pour un public, elles créent avec lui.

« C’est dans notre ADN, commente simplement Éric Schirmacher. Les fondateurs, notamment André Falcucci, défendaient l’idée d’une approche non formelle de la culture pour accompagner les gens dans un épanouissement personnel et leur donner accès à une offre qui concerne généralement plutôt les classes moyennes ou supérieures. »

L’association développe ainsi de nombreux dispositifs nomades d’éducation artistique et culturelle : la Cité des Marmots, en direction des écoliers et écolières, les Fabriques Orchestrales Juniors pour les adolescent∙es, et leurs grandes sœurs réunissant des adultes. Trois propositions qui cumulent pas moins de 5000 heures de répétitions chaque année.

230701_Parade Multitude (c) Mathilde Pannet (64)

Fabrique orchestrale lors de la Parade du Tout-monde de la première édition de la biennale Multitude © Mathilde Pannet pour l’Association Villes des Musiques du Monde

Aux Poussières aussi, « la démarche participative est au cœur des projets », avec l’objectif de favoriser l’autonomie et l’épanouissement.

« Quand on est pris dans son quotidien, on ne se laisse pas souvent le temps de la pratique artistique. Beaucoup pensent aussi que ce n’est pas pour eux. Notre rôle est de faire émerger des envies et des compétences », estime Elsa Kartouby.

Un investissement quotidien

Pour y parvenir, l’association multiplie les temps de rencontres, formels et informels, se rend en pieds d’immeuble et s’appuie sur un solide groupe d’habitant∙es constitué au fil des années. « C’est une attention permanente », précise la directrice artistique. Mais l’investissement paye, comme en atteste le succès de l’événement qu’elle organise et qui illumine la ville chaque automne : la fête des lanternes.

Fête des lanternes

Photographie de Maud Veith de la Fête des lanternes en 2021

« Au départ, nous avons juste voulu tenter une expérience. C’était il y a 10 ans. L’engouement des gens nous a donné l’énergie pour continuer et grandir. Nous avions peur qu’ils se lassent, mais pas du tout. Nous nous faisons même engueuler parce que nous sommes passés en biennale », s’amuse Elsa Kartouby.

Ce succès, elle l’explique aussi par le besoin des gens de se réunir.

« Nous n’avons pas vraiment de moment pour le faire, regrette-t-elle, pour arrêter les voitures et occuper les rues, pour se sentir appartenir à un tout, quel que soit son âge et l’endroit d’où l’on vient ».

C’est précisément ce qui a motivé les Poussières et Ville des Musiques du Monde à organiser la parade de la biennale Multitude à l’invitation du Département. Rendez-vous en juillet pour vivre ce grand moment, et dans les ateliers en amont pour la préparer !

 

Vous voulez en savoir plus sur la future grande parade de Multitude ?

Parade multitude : une grande fête made In Seine-Saint-Denis

Le 6 juillet prochain, les trois cortèges d’une grande parade festive convergeront vers le parc départemental Georges-Valbon, cœur de la biennale Multitude. Créations artistiques les plus folles, fanfares endiablées et danses survoltées : cet évènement participatif et inclusif promet un joyeux moment de partage, et il se prépare dès maintenant !

Parade Multitude : une grande fête made in Seine-Saint-Denis !
  • Parade
Association Villes des Musiques du Monde - Festival Multitude _ Parade

Participez à la parade Multitude

Musiciens et musiciennes, danseurs et danseuses, bricoleurs et bricoleuses de chars , rois ou reines de la décoration et du costume, rejoignez sur plusieurs lieux du territoire la préparation de la grande parade qui convergera le 6 juillet vers le parc Georges-Valbon.

Au fur et à mesure de leur parution, toutes les informations seront publiées dans la rubrique Ateliers préparatoires du site Multitude.

En savoir plus sur les ateliers préparatoires
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