Tiphaine Piriou, la cuisine en partage
TIPI & Co

Spécialisée dans l’événementiel autour de l’alimentation et de l’agriculture, Tiphaine Piriou propose dans le cadre de la biennale Multitude durant tout le printemps un concours culinaire aux habitants et habitantes de Seine-Saint-Denis. Une façon pour elle de défendre sa vision personnelle de la cuisine, faite de goûts, de gestes, d’histoire et de transmission.
De son enfance entre la Bretagne et Paris, Tiphaine Piriou garde une mémoire précise, sensorielle. Une mémoire imprégnée de parfums, de saveurs, de belles tables agencées avec soin, du bruit des verres s’entrechoquant et des rires partagés. Elle se souvient de la cuisine savoureuse de sa grand-mère et de l’assiette toujours ajoutée, pour qui passerait à l’improviste. Elle parle aussi avec gourmandise des grandes tablées de délégations internationales accueillies à la maison, de son amusement d’enfant face à ces échanges dans des langues inconnues, des étiquettes de vin qu’elle récupérait et collectionnait, et qui devenait pour elle comme un carnet de voyage.
Bretonne du monde
À cette époque, son père travaille à promouvoir la gastronomie et les produits agricoles français à l’étranger, notamment pour Sopexa, une agence créée par le ministère de l’Agriculture en 1963 et qu’elle rejoindra elle-même en 2008. « J’ai quasiment fait le même métier que lui, m’occupant de promouvoir des produits comme le Roquefort ou le jambon de Bayonne à travers le monde », s’amuse-t-elle aujourd’hui.
Au départ pourtant, elle s’était orientée vers la communication rédactionnelle, mais aussi les langues et civilisations orientales. Une envie là aussi née dans l’enfance, des voyages de son père en Asie et des récits que lui contait sa mère le soir. « C’est une artiste et une grande lectrice. Les histoires qu’elle me racontait, le ton qu’elle employait ont entraîné mon imaginaire à voyager », confie-t-elle. Née à Paris – « par accident » ajoute-t-elle aussitôt – mais profondément attachée à sa Bretagne familiale, Tiphaine Piriou ressent aussi l’appel du large partagé par tant d’habitant∙es du littoral.
« Le Finistère, explique-t-elle, signifie le bout du monde car d’un côté il y a la terre, de l’autre la mer. J’ai toujours été attirée par l’autre côté, par le voyage, qu’il soit physique ou littéraire ».
Elle choisira d’abord le Japon « pour son côté insulaire » et pour cette sorte « d’harmonie » que l’on y trouve. Elle y passera trois ans, au début de sa carrière, pour promouvoir la collection d’une galerie d’art spécialisé dans l’art océanien. Elle travaillera ensuite dans l’industrie, avant que la cuisine et la gastronomie ne la rattrapent et qu’elle rejoigne la route tracée par son père.
L’art de recevoir
Depuis, Tiphaine Piriou n’a jamais quitté ce domaine, allant jusqu’à créer, en 2018, TIPI & Co, une agence événementielle spécialisée dans l’alimentation et l’agriculture. Et en l’écoutant, on mesure toute la dimension affective et intime de son rapport à la nourriture et à son métier.
Manger n’est pour elle pas juste se nourrir et satisfaire les besoins de son corps. Cela n’est pas non plus seulement le plaisir si singulier et satisfaisant que l’on éprouve en cuisinant, regardant, sentant ou savourant un plat. « La cuisine, c’est bien plus que cela, insiste-t-elle. La cuisine, c’est raconter et partager une histoire unique. C’est l’acte de se relier, de se rassembler, de se resolidariser. »
« Savoir recevoir, précise-t-elle, a été le ferment de ma famille et de mon éducation. Or, recevoir, c’est partager et échanger autour d’une table. Quelles que soient nos opinions, nos contradictions, la nourriture nous rassemble et nous amène à faire un pas dans la compréhension de l’autre. C’est quasiment un acte politique. »
Avec TIPI & Co, elle ne cesse ainsi de vouloir tisser des ponts et des passerelles. Elle imagine des rendez-vous tels que la Fête du Sarrazin en Bretagne, donne naissance à des collaborations entre associations de solidarité et organisation de concours culinaire, favorise des rencontres entre chef∙fes et soignant∙es durant l’épidémie de Covid, accompagne des entreprises dans l’adoption de démarches durables.
Et pour la biennale Multitude, elle entend cette fois-ci ouvrir « ce coffre-fort que sont les frigos de Seine-Saint-Denis » pour, de nouveau, « faire des ponts entre générations et entre cultures ». En effet, elle co-organisera à partir de fin avril, l’organisation du concours de cuisine C’est meilleur chez ma mère.