À l’image des balades proposées dans le cadre de la biennale Multitude, Stefan Buljat et son association Baština proposent depuis 15 ans une offre de tourisme solidaire et responsable, « ici et là-bas ». Son objectif : permettre la découverte de toutes les cultures, y compris celles coexistant sur le territoire, et participer à faire tomber les barrières entre elles.

Qu’est-ce que le tourisme si ce n’est la rencontre avec d’autres personnes et d’autres cultures ? Mais alors pourquoi forcément partir à des milliers de kilomètres alors que de nombreuses découvertes attendent au coin de la rue ? C’est à partir de ce questionnement tout simple que Stefan Buljat a imaginé en 2010 Baština (patrimoine en croate, sa langue maternelle). Une idée d’évidence, mais qui n’existait pourtant pas à l’époque.

Sous une forme associative – « parce que c’était le plus simple et que ça correspondait à nos idées », précise-t-il –, lui et quelques amis français, croates et africains ont donc décidé de monter leur propre structure, avec un concept clé : des voyages « ici et là-bas ».

Voyage en territoires « pas si loin »

Stefan Buljat connait alors déjà bien le domaine du tourisme. Après des études de photographie et de commerce, ce parisien né en 1967 a eu l’opportunité de rejoindre une coopérative proposant des séjours en Afrique de l’Ouest et au sein de laquelle il travaillera durant 14 ans. À l’époque, déplore-t-il, « les locaux faisaient partie du décor mais n’en étaient pas acteurs alors que c’était sur eux qu’il aurait fallu s’appuyer. Avec la coopérative, nous avons commencé à le faire en finançant des infrastructures et des formations aux métiers touristiques, en valorisant le patrimoine culturel, etc. »

Avec Baština, il expérimente une nouvelle approche, en organisant des rencontres en amont de séjours, puis des balades urbaines qui « ont l’avantage d’être itinérantes, de permettre l’inattendu et d’autres rencontres ». Elles se déroulent dans des quartiers où résident des communautés issues de l’immigration, ancienne ou récente, à Paris, en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-de-Marne. Des « territoires pas si loin » donc, et pourtant méconnus du reste de la population.

Photo d'une visite à Saint-Denis

« Quand nous avons fait la balade Le Mali à Château-Rouge, cite comme exemple Stefan Buljat, beaucoup de gens n’y avaient jamais mis les pieds alors même qu’ils habitaient dans le 18e. Certains avaient des idées reçues, d’autres n’osaient pas rentrer dans les boutiques car ils n’avaient pas les codes. Durant la balade, ils se montrent curieux du quartier, de la vie du guide et, après, ils y retournent tous seuls. »

Des balades co-construites

La force de Baština est en effet d’impliquer les premier∙ières concerné∙es, et plus encore à partir de 2014, date à laquelle l’association intègre Migrant Tour. Porté par un réseau européen, ce projet cherche à donner à comprendre la diversité en organisant dans différents pays des parcours interculturels animés par des personnes issues de l’immigration.

Rencontré∙es par l’intermédiaire d’associations de solidarité, de retraité∙es ou encore de quartier, ces « hôtes » sont non seulement rémunérés mais bénéficient aussi d’une formation à la médiation culturelle grâce à des partenariats noués avec des institutions comme l’université Descartes, le musée de l’Histoire de l’Immigration ou le musée de l’Homme. Pour nourrir les balades, ils et elles mènent également des enquêtes de terrain avec des étudiants et étudiantes en tourisme ou en anthropologie.

« C’est important, insiste Stefan Buljat, qu’ils cherchent par eux-mêmes et co-créent la balade, avec deux regards différents. Chacun apporte quelque chose. »

Un pari réussi

Aujourd’hui, l’association s’appuie ainsi sur 20 à 25 hôtes animant régulièrement des balades. Pour Multitude, en partenariat avec Seine-Saint-Denis Tourisme, elle en propose d’ailleurs plusieurs « aux frontières du Temps », dans les allées du « marché du monde », ou encore dans les foyers de travailleurs de Saint-Denis.* Et à croire les commentaires sur le site exploreparis.fr (sur lequel se font les réservations), le succès est au rendez-vous.

« Vraiment top ! », « super balade », « un guide dynamique et passionné. Bravo et merci », peut-on lire par exemple sur la page de celle proposée par le passé dans le quartier des 4000 à La Courneuve. « Une ouverture, comme en passant, sur des pratiques culturelles parfois méconnues » ou « de l’espoir dans une société où les gens doivent plus dialoguer », écrivent des participant∙s d’autres balades. « On essaie d’ouvrir des sas entre des mondes différents, et quelquefois ça porte », se contente de réagir avec beaucoup de modestie Stefan Buljat. À écouter Candy pourtant, ce n’est rien moins qu’ « une bouffée d’oxygène du comment vivre ensemble ».

* Les 5 et 6 juillet, une balade aura également lieu sur les traces du ru de la Vieille Mer, un petit cours d’eau prenant sa source à Dugny, traversant le parc départemental Georges-Valbon et se jetant dans la Seine.

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