Sabrina Nemouchi, une femme libre
Réseau culturel franco-berbère

Au sein du Réseau culturel franco-berbère, Sabrina Nemouchi a choisi de redécouvrir, faire vivre et transmettre son héritage amazigh. Un engagement pour la réappropriation d’un patrimoine culturel multimillénaire dans une France ouverte, fraternelle et multiculturelle, et un chemin personnel qui l’a rendue plus forte, et plus libre…
« T’es algérienne ? Mais tu dois faire le ramadan alors. Et pourquoi tu manges ceci, pourquoi tu manges cela ? » Ces commentaires et d’autres, Sabrina Nemouchi les a entendus toute son enfance et, une génération plus tard, ses enfants les ont encore entendus. « C’est très confus dans la tête des gens qui font beaucoup d’amalgames, confondent origines, nationalité et confession, sans tenir compte des choix personnels », précise-t-elle.
« Berbère, poursuit-elle, est un nom qui nous a été donné, mais nous nous appelons Amazigh, qui veut dire homme libre. C’est un peuple très ancien et d’une grande diversité, méditerranéen et africain, avec une culture, une langue, une histoire et des valeurs. Nous avons résisté aux multiples invasions et subi tout au long de l’histoire des violences et des bouleversements. Les Berbères ont été volontairement amalgamés à d’autres identités avec l’objectif de les faire disparaître. Nous avons donc beaucoup perdu de notre culture, d’autant que la transmission de notre patrimoine est orale. Cela a été un combat pour exister, et c’est un miracle si nous sommes toujours de ce monde ! »
Indispensables racines
Cette Drancéenne, née à Marseille en 1977, participe à ce combat et à faire connaître cette culture. En 2015, elle a en effet rejoint le Réseau culturel franco-berbère. Cette association propose de nombreuses activités et événements, notamment en Seine-Saint-Denis, autour de la langue, du chant, du théâtre, de la musique, de la danse, de la littérature, de la citoyenneté et de l’émancipation des femmes… « Pour la première fois cette année, sur les 550 inscrits aux cours de langue en ligne et en présentiel, nous avons plus d’adultes que d’enfants, ce qui veut dire qu’aujourd’hui les Amazighs de France éprouvent fortement le besoin de transmission mais également de réappropriation de leur culture ».
Sabrina Nemouchi connaît bien ce besoin. Kabyles né∙es en Algérie, venu∙es en France alors qu’il et elle n’étaient qu’enfants, ses parents l’ont élevée dans une double culture. « À la maison, se souvient-elle, on parlait français et on fêtait Noël, mais mes parents étaient imprégnés de culture berbère. Ils en avaient conservé certaines traditions, mais pas toutes. » Lorsqu’elle devient mère à son tour, cette connaissance devient insuffisante et le besoin de se reconnecter avec cette partie de son identité apparaît plus fortement.
Ce qui nous relie
Lors d’un forum des associations, elle découvre l’existence du centre culturel franco-berbère de Drancy, un des trois ouverts par le Réseau franco-berbère en Seine-Saint-Denis. Elle commence par y suivre des cours de danse et de langue, est sollicitée très vite pour devenir bénévole, avant de l’intégrer comme agent de développement associatif, puis responsable des partenariats et des soutiens.
Au sein du réseau, elle retrouve « des valeurs qui lui correspondent, de citoyenneté, d’égalité hommes-femmes, la liberté d’être soi-même » et d’ouverture. « Dans les cours de français, nous accueillons un public très diversifié, des Sri-Lankais, des Ukrainiens, qui participent ensuite à nos évènements. Nous avons aussi des curieux, des amis, des conjoints. Nous avons organisé des fêtes berbéro-bretonnes à Saint-Denis, avec des Kurdes, etc. », liste-t-elle.
Sabrina Nemouchi en est convaincue, « le multiculturalisme ne devrait pas poser pas de difficultés », bien au contraire « dès lors que les valeurs de la République, de la France sont partagées ».
« On aime la France, on a fait le choix d’y vivre mais chacun a le droit de garder sa culture sans être stigmatisé ou mis dans des cases. C’est la force de la France d’être cosmopolite. »
Surtout, en en apprenant davantage sur sa culture, « c’est comme si des choses s’éclaircissaient », dit-elle : « Je suis française, mais j’avais des vides. Cela m’a complété. J’ai mieux compris certaines facettes de moi qui viennent de notre culture : une certaine discrétion, une retenue constante, un respect pour le bien commun. Cela m’a permis d’être plus forte, de ne plus avoir honte. » En bref, de s’assumer en tant que telle, et de devenir une femme libre…