Au sein de la troupe Oro, Aleksandar Trailovic fait vivre la culture serbe, ses chants, ses danses et ses costumes traditionnels. Un investissement collectif, joyeux et exigeant, qu’il partagera lors de Multitude.

Les voyages forment la jeunesse, disait Montaigne. Mais pour les personnes qui ont émigré et leurs enfants, ceux pour rentrer au pays l’été laissent une empreinte plus indélébile encore. Pour Aleksandar Trailovic, il s’agissait d’un véritable « road trip », long de 2000 kilomètres avalés par la voiture familiale, au rythme des chants et musiques traditionnelles émanant des K7 glissées dans l’autoradio. Un « sacré voyage », reconnaît-il, mais qui lui a laissé plein de « bons souvenirs ».

Entre deux mondes

Le désormais Rosnéen est en effet né en 1990 à Champigny-sur-Marne de parents serbes, quelques temps seulement après que sa mère a rejoint son père en France. Ce dernier, lui, est comme beaucoup de Yougoslaves arrivé dans les années 1970 pour répondre au besoin de main d’œuvre dans la couture. À la maison, on parle serbe, on cuisine le chou farci et l’Ajvar (une confiture de poivrons et d’aubergines), on fête le Noël et la Pâques orthodoxes ainsi que, en octobre, la sainte patronne de la famille, Sainte Petka.

À l’école, Aleksandar Trailovic apprend « de zéro la culture française, sa langue, ses valeurs ». Deux mondes qui cohabitent sans jamais s’opposer. « J’avais conscience qu’entre l’école et la maison, il y avait deux cultures mais c’était pour moi positif », assure-t-il. Dans la cour ou les parties de foot, il en découvre aussi beaucoup d’autres.

Portrait d'Aleksandar Trailovic

« J’avais des amis des pays du Maghreb, du Mali, d’Allemagne, de la communauté juive. Des enfants me montraient telle danse de leur Bretagne ou du Portugal. On partageait beaucoup nos cultures et j’ai beaucoup appris des traditions autour de moi ».

Aleksandar Trailovic
Oro
Un patrimoine vivant

Ses souvenirs d’enfance sont aussi marqués par les mariages et les baptêmes dans la diaspora serbe, ces longues tablées et ces trompettes qui font soudain s’élever le tempo. « Quand le chanteur s’arrête, explique-t-il, l’orchestre s’emballe pour lancer le Kolo », une danse traditionnelle en ronde, aujourd’hui inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco. Et surtout, « une danse qu’on partage, ouverte à tout le monde, qu’on connaisse ou pas, jeune ou vieux, homme ou femme ».

Le rythme, les pas, l’ambiance, l’énergie, tout l’attire. À sa majorité, il rejoint une première troupe, à Drancy, puis une autre et encore une autre à Cologne et Munich où il habite deux ans dans le cadre d’un Erasmus. « En partant, confie-t-il, je pensais que ça s’arrêterait et puis cela m’a toujours suivi… J’ai pu me rendre compte aussi à quel point la culture était importante car, à l’étranger, la diaspora serbe m’a beaucoup aidé, par exemple pour trouver un logement ». De retour en France en janvier 2016, il termine ses études d’ingénieur tout en intégrant Oro, la troupe balbynienne fondée quelques mois plus tôt par des amis∙e et qu’il n’a jamais quitté depuis.

Une ronde ouverte

Ensemble et avec d’autres, ils et elles créent leurs propres spectacles, solidement ancrés dans la tradition. Chacun raconte en effet une coutume de Serbie : un mariage, un baptême, une maison qu’on inaugure. Avec des variations selon les régions : influences ottomanes au sud, grecques et bulgares au sud-est, austro-hongroises au nord, dalmates à l’ouest. « Près de la Bulgarie, les genoux se lèvent hauts. Dans le nord, ce sont des pas plus fins. » Pour être au plus près de la réalité historique, des recherches sont réalisées « pour savoir comment ces communautés vivaient, s’habillaient, dansaient ». Car rien qu’au niveau des costumes, d’une région à l’autre, la Serbie est un des pays les plus riches en diversités.

Sur scène, le groupe se donne sans réserve, danse, chante, court, enchaîne les figures en ligne, en cercle, en losange, joue des instruments. « C’est une vraie course de fond, s’amuse Aleksandar Trailovic, car il faut vivre la chorégraphie avec endurance. La coordination et les interactions entre nous sont aussi fondamentales. » Le travail est rigoureux, mais l’essentiel est ailleurs.

« Ce qu’on veut, c’est toucher le public, insiste-t-il, qu’il comprenne l’histoire, ressente la même joie. On observe quand il rit, applaudit. C’est ce qui nous donne cette énergie et cette force. »

C’est sans doute ce qui explique que, aux Championnats français et européens de danse serbe, la troupe enchaîne les médailles d’or. Mais elle danse aussi dans des fêtes de ville et des maisons de retraite de Seine-Saint-Denis, où vit une importante communauté serbe. Elle participe au Téléthon, organise un festival pour enfants où se croisent cultures grecques, haïtiennes, arméniennes. Oro danse partout, et pour tous et toutes. Et lors de la biennale Multitude, chacun∙e pourra entrer dans sa danse et dans sa ronde.

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